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vendredi 19 mars 2004, 17h50

Les "blouses blanches" dans la rue avec "Sauvons la recherche"




PARIS (Reuters) - Des milliers de chercheurs ont manifesté vendredi à Paris et dans plusieurs villes de province pour dénoncer "l'asphyxie financière" des laboratoires et la précarisation de leur métier.


"Science sans finance n'est que ruine des labos", pouvait-on lire sur une pancarte de la manifestation parisienne, où 7.000 personnes, selon la police, parmi lesquels beaucoup de jeunes et de chercheurs en blouse blanche, ont défilé entre l'hôpital Cochin en direction de la Madeleine, via La Sorbonne, Jussieu et la place de la Bastille.


Des défilés ont également été organisés dans une trentaine de villes universitaires comme Angers, Bordeaux, Brest, Caen, Grenoble, La Rochelle, Lille, Limoges, Nantes, Nice, Poitiers, Strasbourg, Toulouse ou encore Pointe-à-Pitre.


Cette journée d'action était organisée par le collectif "Sauvons la Recherche" et 14 syndicats de la recherche publique et de l'enseignement supérieur, qui appellent à la "résistance" dans les universités et les centres de recherche.


En tête du défilé parisien, les manifestants brandissaient des portraits de jeunes chercheurs partis exercer à l'étranger au côté de visages prestigieux comme ceux de Louis Pasteur et de Frédéric Jolliot, "restés en France".


"Marie, lève-toi, ils sont devenus fous", pouvait-on lire sur un grand portrait de Marie Curie. "Un chercheur sait-il chercher sans argent ?" mais aussi "De l'argent, c'est bien, des postes, c'est mieux", était-il écrit sur d'autres pancartes.


Le collectif et les syndicats réclament notamment le rétablissement de 550 emplois de titulaires supprimés au budget 2004, ainsi que plusieurs centaines de créations d'emplois dans les universités et "le versement effectif" des crédits gelés depuis 2002.


LIBERTE DE CHERCHER


"La recherche est quelque chose qui coûte cher. La société doit nous laisser une liberté de chercher et exiger en contrepartie que l'on travaille, que l'on soit productifs et que l'on se passionne pour notre métier, ce qui, je crois, est le cas", a déclaré à Reuters Claude Largeau, directeur de recherche au CNRS à l'école de chimie de Paris.


"Ce n'est pas en essayant d'améliorer la bougie qu'on a trouvé l'électricité. Il faut laisser aux gens la liberté de faire des recherches, qui a priori n'ont aucune application", a-t-il ajouté.


"En sortant de thèse, il y a de moins en moins de postes et des gens se retrouvent sans boulot à Bac + 8 ou 10 alors que ce sont des gens passionnés qui peuvent rester dix heures par jour dans un labo", a déclaré Marion Lebois, étudiante de 25 ans en DEA de biologie.


Le collectif "Sauvons la Recherche", qui annonce d'autres "temps forts" dans les semaines qui viennent, a dénoncé la "capitulation" de Jacques Chirac, qui a adressé mercredi une lettre aux chercheurs, comme ils l'en priaient depuis le 10 mars.


Pour le collectif, "cette lettre ne comporte aucune réponse à la demande urgente qui lui était faite de faire un geste envers les jeunes, en rétablissant les emplois de chercheurs et d'ingénieurs qui avaient été supprimés dans la recherche".


Dans sa réponse adressée au porte-parole du collectif, Alain Trautmann, Jacques Chirac réaffirme que "c'est dans l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation de la recherche que pourront être définies les priorités stratégiques, les règles et les moyens de notre politique de recherche". Le chef de l'Etat refuse de définir "au coup par coup" la politique de l'emploi scientifique.


"LA SITUATION N'EST PAS BLOQUEE"


Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a confirmé pour début avril le lancement d'un dialogue national "sur les emplois scientifiques et les métiers de la recherche". "La situation n'est pas bloquée", a-t-il assuré.


Dans un entretien publié vendredi dans Le Monde, le neurobiologiste Jean-Didier Vincent, membre de l'Académie des sciences, estime le secteur de la recherche a besoin d'être réformé.


"On ne fera pas l'économie d'une remise à plat du CNRS (Centre national de recherche scientifique) : il ne faut plus que ce soit une citadelle où l'on fait carrière de 30 à 65 ans", dit-il, tout en prônant une réforme de l'université qui ne peut selon lui "demeurer un mouroir à chercheurs".


A LYON, un millier de personnes ont manifesté aux cris de "Chercheurs en colère, Y'en a marre de la galère".


Selon Olivier Gandrillon, chargé de recherche au CNRS et membre du collectif "Sauvons la Recherche", le mouvement continue car "les seuls propositions que les chercheurs ont reçues ne sont que de vieilles promesses réactivées".


"S'il y a une chose à laquelle on ne croit plus, ce sont les promesses de Chirac et du gouvernement", a-t-il poursuivi. "Nous attendons les résultats des élections (régionales des 21 et 28 mars), ça peut changer beaucoup de choses."


A MARSEILLE, entre 2.500 et 5.000 personnes, selon la police et les organisateurs, ont défilé entre la gare Saint-Charles et la mairie, où il se sont allongés sur le sol quelques minutes avant de se disperser.


A BORDEAUX, 600 chercheurs, selon la police et les organisateurs, ont défilé derrière une banderole "sauvons la recherche" entre la faculté des sciences humaines et la préfecture de la Gironde, où une délégation devait être reçue.


A POITIERS, un millier de chercheurs et d'étudiants en grève pour protester contre la baisse du nombre de postes aux concours du Capes ont manifesté ensemble devant le Conseil régional de Poitou-Charentes, présidé par l'UMP Elisabeth Morin.


A STRASBOURG, 1.200 chercheurs, selon la police, ont défilé, entre l'Institut Le Bel, sur le campus universitaire, et la place Kléber, dans le centre-ville. Les manifestants étaient environ 200 à NANCY et une centaine à BESANÇON, selon la police.


Depuis le 9 mars, 3.289 chercheurs - 1.331 directeurs et 1.958 chefs d'équipes - ont symboliquement démissionné de leurs fonctions administratives pour protester contre le manque de moyens accordés à la recherche publique.


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